Du 18 septembre au 31 octobre
Polka Galerie

Bruce Gilden

Lost and Found
© Margot Montigny

« Je dis toujours qu’une photographie de rue doit sentir le bitume et la crasse. »

En 2015, Bruce Gilden quitte Brooklyn pour Beacon. L’heure est à la prise de recul, au regard rétrospectif sur plusieurs décennies de travail. Direction la campagne, après 35 ans de vie commune avec New York. Ce monstre urbain dont les rues crasseuses, rudes et énergiques n’existent plus qu’au cinéma et dans les livres de photographie. Dans le déménagement, suivent des milliers de négatifs et des cartons de planche-contacts qu’il n’avait jamais pris le temps d’éditer. 

« Lost & Found » est une plongée sans filtre dans le travail de jeunesse du grand photographe de Magnum. Nous sommes au milieu des années 70. Gilden n’utilise pas encore de film couleur, ni de flash, procédé qui, plus tard, fera partie intégrante de son style si reconnaissable. L’occasion d’un voyage introspectif : « A l’époque, je n’étais pas au mieux de ma forme. J’avais la trentaine. J’étais fauché, angoissé, drogué. J’ai même failli mourir d’une overdose. Je m’étais embarqué dans la photo sans réelles perspectives. Et pendant quatre ans, j’ai conduit un taxi pour gagner ma vie... ». 

On retrouve dans ces photographies « primitives » la patte de Gilden qui « dévore » New York « de haut en bas, en passant par la Huitième Avenue, la Neuvième Avenue, Delancey Street, la 34e Rue, Queens et Brighton Beach de temps en temps le samedi matin. » On ressent la proximité assumée, presque totale, avec son sujet. Il note : « J’ai toujours photographié de très près. Même si à mes débuts, j’intégrais davantage l’environnement urbain, ce qui permet de sentir les palpitations de la ville plus que les battement de coeur des gens. » 

Dans les rues de Gilden, les habitants de New York ont tous la même gueule, cassée, granuleuse, écorchée par cette ville « qui respire l’énergie, le speed, l’anxiété, le stress ». « J’ai toujours pensé que j’aurais fait un excellent travail dans les années 20 et 30, quand la plupart des hommes portaient un chapeau et fumaient beaucoup... » Cigares et mégots, clochards et nantis, crins filasse et brushings peroxydés, manteaux à trous et pantalons à pince. Ils cohabitent dans d’étranges saynètes photographiques qui toujours cachent un élément mystérieux et les indices pour les spectateurs qui veulent le découvrir. 

« J’aimerais vraiment qu’en regardant mes photos, les gens imaginent leurs propres histoires. Tout cela implique que le public comprenne ce qu’on attend de lui. Ce n’est pas toujours évident, parce que dans la rue, la plupart des gens ne verront pas ce que je vois. » Qui est cette femme qui hurle en silence dans une cabine téléphonique ? « Même si elle appelait à l’aide, personne ne pourrait l’entendre car elle est enfermée dans cette boite et il n’y a personne pour l’aider. Autour d’elle, la ville est en train de s’effondrer, mais personne n’y prête attention. » 

© Margot Montigny