Du 10 mars au 20 mai 2023
Polka Galerie

Philippe Chancel

Welcome to Paradise

La galerie Polka est heureuse de présenter, Welcome to Paradise de Philippe Chancel visible du 10 mars au 20 mai 2023.

Depuis 1982, Philippe Chancel cherche à photographier la beauté du désastre. Il se rend là où survivent et s’épanouissent les idéologies qui détruisent le monde. Parmi ses voyages, entre fascination et répulsion : des endroits à part et secrets, impénétrables. Mais aussi ces coins « les plus pourris de la planète » où les hommes subissent le courroux de la nature, quand ce n’est pas l’inverse. « Quand l’homme commence à se détruire à travers son écosystème et son environnement, il faut tirer le signal d’alarme. »

L’exposition « Welcome to Paradise » pioche dans la mémoire visuelle de Philippe Chancel, à la recherche de quelques-uns des reportages les plus éloquents de ce documentariste qui s’est fixé comme « défi impossible » de diagnostiquer les maux de notre planète. Tous les maux.

On passe de la Corée du Nord (2005-2011), l’une des dernières idéologies communistes où la démesure pimpée au kitsch est reine, aux Emirats arabes unis (2007-2011), première idéologie de l’argent. Dans ces mondes fermés, de Pyongyang à Dubai, on croise des hommes écrasés par une mécanique mégalomaniaque.

La nature n’est pas en reste. Elle est une autre victime de cette marche forcée vers la prospérité que le photographe raconte. A Flint (2015), cette ville des Etats-Unis autrefois réputée pour son économie florissante, la population souffre aujourd’hui d’un taux de criminalité qui bat des records dans un contexte de désindustrialisation chaotique. Entre 2011 et 2014, « le reporter sans journal », selon l’expression de Michel Poivert, sillonne également les paysages meurtris du Japon, de l’Afghanistan et de la Cisjordanie.

Ces explorations méticuleuses, ces rapports circonstanciés sur l’état de dégradation du monde, forment le grand projet de Chancel qu’est Datazone, présenté aux Rencontres d’Arles en 2019. On y découvre, écrit encore Michel Poivert, « les signes les plus tangibles de la catastrophe annoncée : écologie traumatique, désindustrialisation chaotique, revers toxiques de la modernisation. C’est le monde entier qui hurle à nos yeux. Et aucun refuge n’est en vue ».

De Haïti (2011) au Niger (2013) en passant par l’Inde (2015) et l’Antarctique (2017), le constat est sans appel. La planète souffre et devient de plus en plus hostile aux humains. Le Kazakhstan, que le photographe documente entre 2013 et 2018, est un exemple parmi d’autres de pays en quête d’une mutation à grande vitesse en dépit d’un climat saisonnier aux amplitudes extrêmes et qui donne lieu à des visions surréalistes. 

En Roumanie (1982) et presque vingt-cinq ans plus tard aux Emirats arabes unis, on croise aussi les soldats esclaves de ces mondes verrouillés où il faut bien survivre. Vendeurs sur les marchés, ouvriers sur les chantiers monstrueux. Endormis, épuisés, ratatinés, ils semblent interroger le spectateur, tels des gisants, ces sculptures funéraires de l’art chrétien médiéval. 

Après de nombreux voyages et alors que Philippe Chancel achevait Datazone à Marseille (2017-2019), il ressent la nécessité d’ajouter deux sujets en guise de prologue et d’épilogue. Comme dernière sonnette d’alarme, le photographe compare le Soudan et du nouvel empire chinois. Quand la nécropole soudanaise de Méroé symbolise « la trace mystérieuse et tangible de la fin des civilisations », la Chine, elle, représente « le désastre inévitable qui hante les sociétés d’un futur dopé à l’intelligence artificielle et totalement déshumanisé » .