Yves Marchand & Romain Meffre

Theaters

Yves Marchand & Romain Meffre

nés en 1981 à Orsay et en 1987 à Châtenay-Malabry (France)

Theaters est un vaste projet entrepris en 2006 par Yves Marchand & Romain Meffre. En 2005, ils découvraient pour la première fois une véritable salle de cinéma américaine, un "movie theater", alors qu’ils débutaient leur travail sur les ruines de Détroit.

Avec Theaters, Yves Marchand & Romain Meffre établissent une typologie. Ils photographient d’abord les salles en ruine: certaines sont encore un peu éclairées et jouissent parfois d’ouvertures et de la lumière du jour, d’autres sont plongées dans l’obscurité. Puis ils explorent les espaces autour de la salle, et s’aventurent dans les parties interdites au public. Leur travail documentaire est achevé lorsqu’ils dénichent les salles transformées en lieux de stockage ou métamorphosées en commerces.Lire la suite

Pour saisir ces décors triomphants, mélange de salles à l’italienne, d’influences baroques et Art déco, Yves Marchand & Romain Meffre travaillent à la chambre photographique 4 x 5 pouces. Un travail précis et physique, à plus forte raison lorsque la ruine est plongée dans l’obscurité. Ils emploient alors un long temps d’exposition durant lequel ils balaient la salle et ses détails à l’aide de torches qu’ils tiennent à bout de bras. Une danse à bras-le-corps avec la lumière, qui évoque une technique similaire qu’employait dans l’entre-deux-guerres l’Allemand Karl Hugo Schmölz dans les salles obscures de la Ruhr.

Animés par une volonté tenace d’établir une étude exhaustive et systématique, encouragés par Robert Polidori, Yves Marchand & Romain Meffre réalisent avec "Theaters" la synthèse entre l’œuvre documentaire de l’école de Düsseldorf et du couple Becher, l’ambition visuelle d’un Karl Hugo Schmölz et la poésie romantique des ruines.


CONTEXTE HISTORIQUE

Avant l’entrée en vigueur du "Sherman Antitrust Act" et la fin de l’oligopole production-­distribution-exploitation, cinq "majors" se partageaient le territoire américain : la Paramount pour les Etats du Sud, la Nouvelle-Angleterre et le Midwest; la Fox pour l’Ouest américain; RKO et la Loew’s pour New York, le New Jersey et l’Ohio; et la Warner pour la Pennsylvanie. Puis, au début des années 50, le baby-boom repousse les Américains vers la banlieue, et ces "theaters", édifiés au cœur des villes, se retrouvent abandonnés.

La splendeur architecturale de ces temples du cinéma doit beaucoup à Barney Balaban, ­pionnier de cette industrie et président de la Paramount durant trois décennies, qui a forgé "l’expérience cinématographique". Dans ces "theaters", le spectacle était total : le public s’y rendait pour les grands films, mais aussi pour les cartoons, les informations, les attractions, les loteries et le pop-corn bon marché. Les Américains n’allaient pas voir un film, ils allaient au cinéma.