Jacob Aue Sobol

I, Tokyo

Jacob Aue Sobol

Né en 1976 à Copenhague (Danemark)

J’ai débarqué pour la première fois à Tokyo au printemps 2006. Mon amie Sara y avait trouvé un emploi et j’ai choisi de l’accompagner à la rencontre de la ville où elle avait grandi – un univers entièrement nouveau pour moi, dont je ne savais presque rien et où rien ne m’attirait particulièrement.

Au début, je me suis senti invisible. Je marchais dans les rues sans jamais croiser un regard, à bord du train qui m’emmenait presque chaque matin de Nakano à Shinjuku, c’est à peine si j’ai entendu s’échanger une seule parole. Si inaccessibles que m’aient semblé la ville et ses habitants, en même temps cette vie dense et concentrée me fascinait. Cherchant désespérément le moyen de rompre ma sensation d’isolement et de solitude, enfin je me suis mis à promener mon appareil photo de poche dans les rues et les parcs. Plutôt que de cadrer les tours immenses ou la foule perpétuelle, je me suis tourné vers les ruelles étroites et les présences individuelles au coeur de cette ville qui m’attirait et me repoussait à la fois. Je voulais rencontrer ses habitants, me mêler à la métropole, m’approprier Tokyo. Les photos de cette série représentent ce que j’y ai vu et ceux que j’y ai côtoyés au fil des dix-huit mois suivants. Les personnes singulières que j’y ai connues m’ont, je crois, permis de mieux saisir ce que signifie faire partie du Tokyo d’aujourd’hui. Certains sont devenus des amis ; avec d’autres je n’ai fait que partager un bref instant.

Mes photos sont nées au gré de ces rencontres fortuites, sans autre guide que ma curiosité, mon humeur du jour et mon sentiment de la ville à mesure que je la découvrais. Autant que possible, j’ai travaillé à l’instinct. Prendre des photos a quelque chose d’un jeu improvisé. Il me semble que plus une photo est spontanée et irréfléchie, plus elle devient vivante, et plus elle passe de l’ordre du montrer à celui de l’exister.


Jacob Aue Sobol